citations inspirées et inspirantes, Ecofeminisme

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femme arbre et lune

« La vie sauvage, et la femme sauvage sont toutes deux des espèces en danger. Au fil du temps nous avons vu la nature instinctive féminine saccagée. On l’a malmenée, au même titre que la faune, la flore et les terres sauvages » pose d’emblée la psychanalyste américaine jungienne Clarissa Pinkola Estès, en introduction à son ouvrage « Femmes qui courent avec les loups »paru en 1992, devenu depuis un best-seller.

Un message plus que jamais d’actualité, comme en témoigne une nouveau courant, l’éco-féminisme, retissant la trame entre les femmes et la nature, l’écologie et le féminisme, et qui pourrait bien amorcer un changement majeur. Apparu en 1974, sous la plume d’une française Françoise d’Eaubonne, amie de Simone de Beauvoir, l’Eco-féminisme fait des émules : Dr Vandana Shiva, emblème de la révolution écologique en Inde, Marie Mies, professeure émérite de sociologie, l’américaine Rachel Carson, lanceuse d’alerte sur les risques phytosanitaires pour la santé, les femmes du mouvement Chipko Andolan, scientifiques, juristes, paysannes… chacune relaye un dialogue singulier déjà présent, si on prend le temps de s’y attarder, au cœur des traditions ancestrales.

femmes arbre villageoises indiennes protégeant leurs arbres contre l’exploitation destructrice d’une multi-nationale américaine dans les années 70…

Quels sont les liens entre les femmes et la Terre Mère ? Comment cette alliance va –t-elle agir sur la mutation ? Pourquoi et comment les valeurs féminines doivent-elles s’épanouir dans nos sociétés ?

Les gardiennes des semences

« Les liens entre les femmes et la nature sont inscrits dans nos gênes depuis toujours et relève d’un héritage ancestral » rappelle Vandana Shiva, docteure en physique quantique et en philosophie (dans le livre Pour une désobéissance créatrice. Ed Actes Sud). Dans la cosmologie indienne, tous les êtres vivants naissent d’une seule et même énergie, appelée shakti. Ce nom désigne à lui seul le principe féminin et la force créatrice.

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Pour la militante indienne, la Nature, en tant que sujet vivant, tout comme l’intelligence féminine, sont toutes deux essentielles à la survie de l’Humanité. Au cœur de son combat écoféministe : la promotion d’une agriculture paysanne traditionnelle et biologique, et la libération des graines, des enjeux plus complexes qu’il n’y paraît, tant sur le plan écologique, bien sûr, mais aussi symbolique. Ainsi, il lui est apparu au fil de ses recherches, que l’approvisionnement alimentaire, lorsqu’il est centré autour de la femme est basé sur le partage (avec les enfants, la famille, la communauté etc…), la compassion, la conservation et le bien-être. En revanche lorsque l’industrie dominée par des hommes, s’occupe de la production et de la distribution de nos aliments, alors « les graines sont rendues stériles et l’alimentation procède d’un vulgaire nourrissage dont les savoirs-faire féminins sont exclus ».

Au-delà d’une dénonciation du modèle activiste productiviste actuel, c’est bien d’une profonde remise en cause de société qu’il s’agit. Elle démontre, comment de tout temps, les femmes ont assuré la continuité des graines en dépit des guerres, des catastrophes naturelles touchant les récoltes, des famines. Si elle place les femmes comme gardienne des semences, ce n’est pas un hasard ! « C’est un fait historique commun à toutes les cultures : les femmes sont les premières agricultrices et aujourd’hui encore dans les sociétés traditionnelles, elle font le lien entre le champs et l’assiette, en passant par la protection des graines, leur reproduction, la cuisine, le gout, etc… » Partout dans le monde, les femmes s’assurent que leur famille et leur communauté vivent en bonne santé et que l’existence suit son cours !

La maternité, avec la naissance de son fils, va aiguillonner ses recherches et motiver ses actions : elle en est arrivée à une conclusion somme toute évidente, selon laquelle la domination de la nature, va de pair avec celles des femmes tout comme des traditions des peuples premiers. « Favoriser les semences paysannes, privilégier le local, cessez de consommer et devenir des acteurs pionniers de la transition, sont autant de solutions concrètes, accessibles, en faveur de la terre, d’une féminisation du monde, du changement », rappelle-t-elle lors d’une conférence organisée par Le Cercle vertueux en février à Montpellier. Son positionnement est clair : L’écoféminisme n’est pas une mode, mais une perspective de vie pérenne !

Des questions de santé environnementale

Dans le monde entier, les femmes protègent le vivant : « Afrique, Inde Népal, elles connaissent les usages de la terre, elles sont responsables des cueillettes, de l’eau, protègent les forêts… » énonce Pascale D’Erm, spécialisée dans les questions d’environnement, qui explore ce lien « émancipateur » des femmes avec la nature. Historiquement, c’est avec la santé environnementale, que les femmes s’emparent des questions écologiques, et se soulèvent. Les déclics sont bien souvent reliés à un environnement contaminé menaçant la santé des enfants (pesticides, particules fines, nitrates), ou encore l’irruption de risques liés aux produits chimiques dans le quotidien. Sur le terrain, elles sont nombreuses à s’engager dans les luttes contre la pollution chimique, le nucléaire, les déchets toxiques, elles s’organisent en réseau, transmettent leur savoir, se montrent déterminées… 

Son enquête met en lumière de nouvelles héroïnes. Dans l’affaire Love Canal (Banlieue de New- York. 1970), Lois Gibbs obtient un nouveau règlement juridique encadrant les dépôts chimiques, et crée un centre de Formation Citoyenne à la Justice Ecologique et Sociale. Au Népal, les collectifs féminins tentent de récupérer des parcelles forestières privées, pour en faire des biens communs au service des villageois. En Inde à Plachimada, 2004, c’est grâce à la mobilisation d’une poignée de paysannes devant les usines Coca Cola, que la fermeture des usines a été obtenue, pour protéger l’accès à l’eau, un droit fondamental. Les exemples sont légion !

Pour Pascale D’Erm, « l’écoféminisme invite les femmes à être actrices de leur environnement, non plus seulement comme des Hestia (la déesse grecque du foyer), ou comme des Amazones guerrières ( issues du féminisme radical des années 60), mais bien en tant que citoyennes, mères, agricultrices, guérisseuses, artistes, paysannes, ministres… » 

Les Anciennes et le ventre des femmes

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Caroline Manière – femmes médecine

Pour les Anciens, rien d’étonnant à cette émergence…Ce retour de la Grande-Mère, de l’Esprit de Terre–Mère Gaia, couplé à l’éveil des femmes a été prédit, il y a bien longtemps : « Une prophétie hopi, prédit que ce sont les femmes qui dirigeront cet ultime temps de transmutation » confie Grand-mère Maria Alice Campos Freire , figure amazonienne emblématique du Conseil des 13 Grands mères indigènes. Réunies la première fois en octobre 2004, ces « anciennes » arrivées des quatre points cardinaux, d’Amazonie, Amérique du Nord, Mexique, Afrique centrale, montagnes du Tibet… se sont rassemblées autour d’une vision commune : le Réveil des femmes

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Les Anciennes disent que lorsque les Femmes écouteront leur propre terre, en prendront soin, lorsqu’elles seront capable d’entendre leur utérus, alors elles incarneront la profonde féminité dans chaque instant de la vie et manifesteront le Grand rêve Sacré.

Dans les traditions ancestrales, l’utérus des femmes ne permet pas seulement de porter un enfant, il contient les semences de nos rêves sacrés, les graines du monde de demain… Nous y voilà, la terre, le ventre des femmes, les semences libres, les graines, donner la vie, porter les rêves… autant de liens sacrés avec la Terre Mère, le Grand mystère du vivant.

Entre les femmes et leur corps se joue un combat de tous les instants, récemment mis sur le devant de la scène avec le mouvement Metoo, leur sexe, comme leur désir, sont au cœur de leurs revendications. La maternité et les violences obstétricales, aussi font débat. Avec la Terre Mère comme nouvelle Alliée, il s’agit bien de valoriser à nouveau les connaissances intimes et instinctives, celle du processus de la naissance et de la mort, des cycles de saisons, de la lune, arrimé au cycle menstruel, et la sagesse des plantes.

Comme le rappelle Pascale D’Erm, « Inséré dans la toile de la vie, de la nature, le corps possède des connexions profondes avec le monde visible et invisible, sur le plan des similitudes de formes, de molécules et de process. »

C’est Aussi une affaire d’hommes !

Ce retour aux valeurs du féminin, comme aux fondamentaux d’une vie plus naturelle, en accord avec des lois du vivant, ne vise pas seulement à la libération des femmes, mais bien aussi celle de l’homme… Le modèle de société que défendent les écoféministes suppose que l’homme s’ouvre au féminin, comme le souligne Vandana Shiva : « C’est tout le paradoxe et l’ironie de la situation : alors que tout porte à croire que les hommes dominent, ils seraient en réalité prisonniers des stéréotypes de la virilité et de la société patriarcale… » 

Un changement qui pourrait s’inscrire dans une perspective chère à Gandhi, valorisant les notions essentielles de compassion et de partage imprégnées dans l’ADN des femmes, et dont notre humanité aurait bien besoin. Une vision partagée par Pierre Rhabi, écologiste et fondateur du mouvement Colibris, pour qui : « La subordination du féminin à un monde masculin outrancier et violent demeure l’un des grands handicaps à l’évolution positive du genre humain. Il nous faut rendre hommage aux femmes gardiennes de la vie, et écouter le féminin qui existe en chacun de nous. »

Auteur: Catherine Maillard Source : https://www.inrees.com/articles/feminin-grand-mere-nature-journee-femme-2018/

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